Le culte des ovnis

De Psiram
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La plupart des cultes d’ovnis sont apparus aux États-Unis, berceau des groupes religieux ou parareligieux excentriques.

L’histoire d’un des cultes est racontée en entier par un trio de sociologues, Léon Festinger, Henry Riecken et Stanley Schachter (cf : When Prophecy Fails). Ils « implantèrent » des observateurs dans un groupe en création autour d’un « communicateur » d’extra-terrestres à Lake City (Utah). Le communicateur était Marian Keech, qui croyait avoir reçu le message initial de son père défunt. Peu après, elle s’asseyait tranquillement et régulièrement, dans l’attente de produire de l’écriture automatique. Elle fut bientôt contactée par « des forces plus puissantes » : tout d’abord par le Frère Aîné, puis par des entités des planètes Clarion et Cerus (lesquelles n’ont pas été encore découvertes par l’astronomie conventionnelle). Elle reçut principalement des communications d’une certaine Sananda, de Clarion, qui affirmait avoir été Jésus dans une autre vie.

Mme Keech ne divulgua pas ses messages avec beaucoup d’enthousiasme, mais d’autres personnes issues de groupes mystiques ou occultes leur montrèrent un grand intérêt, de sorte qu’en août 1954 une campagne de presse fut lancée. Elle concernait non seulement le contenu philosophique des communications, auquel les médias portaient peu d’intérêt, mais aussi des prédictions concernant des catastrophes naturelles. La nature de l’événement, ainsi que le rapportait Mme Keech, variait parfois, mais à mesure que l’intérêt du groupe se cristallisait, les détails se fixèrent peu à peu.

A la fin de septembre, le Lake City Herald publiait ce rapport typique : « Lake City sera détruite par une inondation du Grand Lac juste avant l’aube du 21 décembre, selon une ménagère de banlieue ; Mme Marian Keech, 847, West School Street, dit que la prophétie ne vient pas d’elle. C’est le contenu des nombreux messages qu’elle a reçus par écriture automatique, dit-elle... Les messages, selon Mme Keech, lui sont envoyés par des êtres supérieurs d’une planète nommée “Clarion”. Ces êtres ont visité la Terre, dit-elle, dans ce que nous appelons “soucoupes volantes”. Durant leur visite, ils ont observé des failles dans la croûte terrestre qui présagent le déluge. Mme Keech raconte qu’ils lui ont annoncé que l’inondation formera une mer intérieure s’étendant du cercle polaire jusqu’au golfe du Mexique. »

A présent, Marian Keech se référait à un groupe d’interlocuteurs qu’elle appelait « les Gardiens », bien que Sananda demeurât le plus important. Après que les médias eurent commencé à parler du groupe, Mme Keech et ses associés commencèrent à souffrir des maux qui s’abattent immanquablement sur les contactés. Un nombre sans cesse croissant de visiteurs se pressait à sa porte, souvent même quand les membres du groupe étaient là.

Elle avait expliqué au groupe que s’ils faisaient les choses convenablement et demeuraient unis, le moment venu ils ne seraient pas noyés par l’inondation mais seraient emportés au loin par une ou plusieurs soucoupes volantes. Les extra-terrestres pouvaient venir pour un contact n’importe quand et de n’importe quelle manière : aussi Mme Keech et son groupe avaient-ils à décider si les visiteurs étaient ou non des extra-terrestres, et aussi s’ils étaient de bons ou de mauvais extra-terrestres.

Le culte était maintenant entré dans les normes classiques ; il y avait un communicateur, une explication pour le mystère des ovnis, et une « tâche » à accomplir, qui consistait non pas tant d’annoncer le désastre qu’à y survivre. Comme la date approchait, les visiteurs devinrent de plus en plus fréquents et exotiques. Les membres du groupe abandonnèrent leur travail, leurs possessions et leurs amis, et certains entamèrent des régimes inusités. Tous ceux qui le pouvaient restèrent ensemble pour attendre l’accomplissement de la prédiction. Une des conditions de sauvetage exigées par les Gardiens était que toute parcelle de métal devait être bannie. Cela conduisit à d’ingénieux arrangements pour les pantalons ou les soutiens-gorge et à une discussion animée à propos de prothèses dentaires.

Les derniers jours avant le 21 décembre furent traumatisants pour les membres du groupe, car leurs espoirs furent tour à tour confortés et anéantis par d’incessants messages et prédictions étranges, tous fort imprécis. Le plus grand choc vint le jour dit, quand l’inondation oublia de se manifester, et les soucoupes volantes de venir les chercher. Le groupe fut extrêmement déçu et se dispersa dans la foulée.

Un autre groupe qui colportait des prédictions de catastrophes transmises par des êtres de l’espace s’appelait lui-même les Affiliés à la Lumière. Il sévissait vers la fin des années soixante à Burnaby, dans l’ouest du Canada. Leur exposé liminaire disait :

« Nous souhaitons notifier à tous les intéressés qu’un phénomène est survenu ici à Vancouver. Une jeune fille de vingt-deux ans a commencé à avoir des révélations le 23 octobre 1969. Sa source est un être, qui s’identifie lui-même comme Ox-Ho, qui lui envoie des messages d’une galaxie proche de la nôtre... Les messages sont du plus haut intérêt en ceci qu’ils renseignent sur des désastres à venir, quand les attendre et ce qu’il faut faire pour échapper aux régions dangereuses et stocker des provisions. »

Le véritable nom du contact était Robin McPherson[1], mais elle fut rebaptisée Estelle par « l’être ». Sa mère, Aileen, devint Magdalene, son amie Sally, Céleste. Un jeune homme mêlé aux premières communications reçut le nom poétique de Mérite de Truman.

Ox-Ho expliqua que le jour du jugement serait le 22 novembre 1969. Dans ces heures ultimes, l’Homme « aurait une dernière chance de réparer sa demeure décadente avant la série des désastres finaux ». Si l’humanité ne concevait pas l’urgence du changement, « les Frères de l’Espace viendraient chercher les élus et les ramèneraient sur Terre après que la planète aurait été “cristallisée” et “restructurée”, aussi bien physiquement que spirituellement ». Cette « restructuration » comprendrait le relèvement de la Terre sur son axe et la disparition dans la mer de vastes contrées. Les membres des Affiliés à la Lumière étaient exhortés à prêcher partout où ce serait possible.

Rien ne semble s’être passé à la date prévue pour concrétiser les espérances des Affiliés. Robin McPherson cessa de communiquer, mais sa mère poursuivit la tâche.

Dans une interview accordée à l’écrivain Brad Steiger vers le milieu des années soixante-dix, elle expliqua pourquoi les prédictions étaient fausses :

« Nous les avions mal interprétées, Brad, parce que tout cela est arrivé si soudainement. Mes premières visions de désastre étaient très confuses. Je peux voir maintenant les choses dans une perspective élargie... Le fait est que c’est la première ascension, et que c’est une ascension ’mentale’. Les Frères essayent de faire admettre le plus de monde possible dans le Royaume... Vous savez, la Fraternité m’a souvent dit que la Terre est comme un centre de rencontre thérapeutique pour les psychotiques de l’Univers... On m’a aussi montré que la Terre vacille énergiquement sur son axe. »

Terminons par une autre vision de sauvetage par les ovnis, rêvée par Sue et John Day, un couple britannique. Ils affirment avoir été pris à bord d’un vaisseau spatial près d’Aveley, Essex. Dans leurs rêves ils virent un soleil rouge profond et une sphère noire suspendue dans un ciel couleur de sang. Des colonnes d’hommes, de femmes et d’enfants marchaient dans un paysage dévasté vers le sommet d’une haute colline.[2]

Là, ils restèrent peut-être des jours entiers, jusqu’à ce que leurs yeux captent les premiers miroitements d’une escadrille d’ovnis brillants venant de l’horizon obscur et se dirigeant vers eux lentement. Comme ils approchaient, un grand nombre de ces vaisseaux s’arrêtèrent et descendirent sur le sommet de la colline, déroulant leurs rampes d’accès. La foule comprit qu’enfin « ils » étaient venus. Venus pour les emmener loin, loin de la Terre dévastée.

Les Day identifièrent la colline de leur rêve comme étant Dragon Hill, près d’Uffington. Il leur semble qu’il s’agit d’une vision d’un possible, mais évitable futur — un futur apportant le désastre, mais aussi le salut pour un petit nombre d’élus grâce à l’intervention des ovnis.


Les sectes pratiquant des cultes fondés sur des contacts avec les ovnis ont beaucoup de points communs en ce qui concerne leurs activités, la façon dont leurs chefs reçoivent leurs communications et la teneur générale de ces communications.

Cependant, les affirmations produites par ces sectes sont parfois moins fantastiques et dérangeantes que certaines théories mises en avant par des ufologues respectés, lesquels ne se sont pourtant pas entourés d’une foule de disciples, pas plus qu’ils n’ont fait de leurs postulats des articles de foi.

Par exemple, bien que certains des livres de Brad Steiger ne puissent être regardés comme exprimant son opinion personnelle, ce que l’on peut deviner de son attitude propre semble indiquer une ferme croyance dans l’existence des « Frères de l’Espace » ou du « Peuple des Étoiles ». Dans un de ses livres, le chapitre final « Comment contacter des êtres multidimensionnels » est dû à sa femme. Il précise que « Socrate, Napoléon, Washington et Jeanne d’Arc ont eu des contacts avec ces êtres ».

Steiger lui-même a écrit : « Je suis (...) convaincu qu’il y a une subtile sorte de relation symbiotique entre l’homme et les intelligences des ovnis. Je pense que d’une certaine manière, qui reste encore à déterminer, ils ont besoin de nous autant que nous-mêmes avons besoin d’eux. »

Cela revient à insinuer que l’humanité ne contrôle pas sa propre destinée ; Steiger croit néanmoins que les êtres supérieurs avec lesquels nous sommes en contact sont bienveillants. D’autres écrivains ont des idées plus effrayantes. Ils pensent que les puissances extra-terrestres peuvent contrôler nos expériences et notre façon d’y répondre. Des hypothèses de ce genre sont regroupées dans la « théorie du système de contrôle », généralement associée au nom de Jacques Vallée :

« Les ovnis sont les moyens à travers lesquels les concepts humains seront remis en ordre. Tout ce que nous pouvons faire est d’en chercher les effets chez les humains (...). Je suggère que la croyance humaine est contrôlée. »

Même le docteur J. Allen Hyneck, qui a tant œuvré pour faire accepter et respecter l’ufologie des deux côtés de l’Atlantique, a écrit :

« II y a des gens qui ont prétendu avoir développé leurs possibilités psychiques après un contact avec des ovnis. Il y a eu des cas de guérison pendant des rencontres rapprochées, et des cas de précognition. Il y eut un changement de vue, un changement de philosophie chez ces gens. Bien sûr, vous le savez, ce sont là des choses dont il est difficile de parler, mais elles existent. »

Les théoriciens du système de contrôle n’écrivent pas au sujet d’incidents isolés, mais à propos de l’évidence mondiale d’un système auquel l’humanité est liée et auquel elle ne peut échapper — un système qui, affirment-ils, existait bien avant l’humanité et subsistera longtemps après sa disparition.

Cela implique que l’humanité a seulement l’illusion du choix dans la conduite de ses affaires, une vue encore plus pessimiste que les déviations calvinistes les plus extrêmes du monde religieux.

Certains groupes chrétiens, surtout parmi les mouvements évangélistes, ont vu dans les ovnis une menace plutôt qu’une force contrôlant l’activité humaine. Le respectable Journal du Spiritual Counterfeits Project consacra un numéro aux ovnis et conclut ainsi :

« Les phénomènes classiques d’ovnis qui complètent les exemples de spéculations d’une humanité déchue exposés plus haut, en jouant avec ces idées creuses qui nous portent vers les étoiles (au lieu de s’occuper de notre âme), tiennent leur origine de Satan et de ses complices dans les déchets et la tromperie. Ajoutons à cela l’improbabilité tant théologique que statistique qu’une race extra-terrestre ait envie de (ou puisse) visiter la Terre, et l’évidence s’impose que les ovnis représentent bien des visiteurs, mais extra-dimensionnels puisqu’il s’agit de démons qui ont reçu le pouvoir de se matérialiser dans le royaume physique. »

John Weldon et Zola Levitt, auteurs d’un grand nombre d’ouvrages sur le paranormal écrits dans une optique chrétienne, ont noté :

« Tout simplement, nous pensons que les démons préparent la venue de l’Antéchrist... Pour établir correctement le règne de l’Antéchrist, qui est en réalité une figure surnaturelle, le monde doit être amené à penser en termes de nouveauté et d’étrangeté... »

Les ovnis sont-ils aussi dangereux que ce fatras d’opinions diverses le suggère ? Il n’y a pas d’évidence convaincante pour étayer le principe selon lequel ils sont physiquement ou psychologiquement et directement dangereux : ils ne peuvent pas contrôler notre esprit. Mais nous pouvons rendre les ovnis dangereux pour nous en ajoutant nos propres désirs et angoisses à la masse de rencontres d’ovnis répertoriées.

N’importe lequel d’entre nous peut trouver des matériaux, dans cette énorme accumulation, pour étayer ses opinions personnelles. Les gens qui ont créé les cultes autour des personnes contactées par les ovnis ont construit la superstructure de leur propre foi.

Nous devons regarder ces interprétations plus que spéculatives du phénomène ovni comme une sorte de tentation dont personne n’est à l’abri. La somme d’informations dont nous disposons à propos des ovnis forme un tout plein de contradictions, de confusions, d’étrangetés et souvent même de choses incroyables.

Nous devons garder cela présent à l’esprit avant d’échafauder des spéculations sur telle ou telle partie choisie dans l’ensemble.[3]

Références